Facilité ou exactitude ?

Publié le mardi 7 janvier 2003 par admin_sat

La présence d’un accusatif rend-elle la langue difficile ? Pour certains, sans doute, encore qu’i1 s’agisse probablement davantage d’une mauvaise pédagogie que d’une difficulté intrinsèque. Tout dépend de la manière dont le déconditionnement est opéré par rapport à la langue maternelle chez celui qui apprend l’espéranto. Mais quoi qu’il en soit, l’un des traits distinctifs de la langue de Zamenhof est la rigueur, qui résulte de l’application inconditionnelle du principe "analyse immédiatement perceptible" dont il a été question ci-dessus.

L’espéranto est une langue qui ne supporte pas le laisser-aller et les solutions de facilité. L’exactitude y a toujours le pas sur la facilité. La grammaire en offre de nombreux exemples, tels que les adjectifs possessifs réfléchis, l’impossibilité pour un verbe d’être à la fois transitif et intransitif, la distinction entre l’épithète et le complément attributif dans des phrases comme Je trouvais ce fruit délicieux au cours de mes longues promenades, ambiguës en français, etc. (Est-ce qu’il ressentait le fruit comme délicieux, ou est-ce qu’il découvrait ces fruits, qui sont délicieux, lors de ses promenades ?)

Ces difficultés sont réelles, mais elles diffèrent des difficultés que présentent la plupart des langues nationales en ce qu’elles n’ont rien d’arbitraire. Il n’y a difficulté que dans la mesure où la langue maternelle de l’intéressé est moins nette, puisqu’il n’y a variation du signifiant, en espéranto, que s’il y a variation du signifié. C’est pourquoi ces difficultés jouent en fin de compte un rôle positif. Elles représentent les exercices à faire pour arriver à manier un instrument de précision, très riche en nuances, plus souple que la majeure partie des langues nationales. L’effort fait pour maîtriser chacune des difficultés de l’espéranto est toujours immédiatement rentable du point de vue de la qualité de la communication, ou de l’acquisition de l’art de penser avec rigueur. Il diffère essentiellement des efforts, quantitativement beaucoup plus importants, qu’exige la maîtrise des genres allemands, de l’orthographe anglaise ou de la conjugaison française, qui sont des legs de l’histoire sans aucune contrepartie au niveau du signifié. La rigueur de l’espéranto exige incontestablement une discipline, mais la qualité de la communication est à ce prix. Tous ceux qui s’y sont astreints s’accordent à reconnaître que le jeu en vaut la chandelle.