Réponse à quelques arguments anti-espéranto

Publié le samedi 20 novembre 2004 par admin_sat
1 - L’Espéranto n’est pas une vraie langue...je me trompe ?

2 - Les vraies langues évoluent, et pas l’Espéranto ... je me trompe ?

3 - L’Espéranto ne peut pas être aussi simple à apprendre que ce que clament les espérantistes... je me trompe ?

4 - L’Espéranto n’a pas grande utilité... je me trompe ?

5 - La plupart des organisations internationales ont fermement rejeté l’Espéranto... je me trompe ?

6 - Le Latin serait un choix plus judicieux de langue commune en Europe... je me trompe ?

7 - Les Espérantistes croient tous que si chacun apprenait l’Espéranto, ce serait la fin des guerres et des tueries dans le monde... je me trompe ?

8 - L’Espéranto n’a pas le vocabulaire technique pour prétendre devenir une langue moderne... je me trompe ?

9 - Les Espérantistes utilisent la langue uniquement pour parler d’Espéranto .. . . je me trompe ?

10 - Vous ne pouvez pas exprimer tous les concepts utiles en Espéranto . .. .. je me trompe ?

11- Vous ne pouvez pas traduire de grande littérature en Espéranto... je me trompe ?

12 - Les Espérantistes sont tous d’accord pour l’adoption de l’Espéranto comme langue officielle de l’Union Européenne. . . je me trompe ?

1- L’Espéranto n’est pas une vraie langue...je me trompe ?

Des gens utilisent l’Espéranto pour converser, faire l’amour, discuter politique, écrire des poèmes (des bons et des mauvais), des nouvelles (allégories, thrillers, science-fiction...), des articles scientifiques, faire leur travail, etc..., etc..., etc.

Bref, pour communiquer avec d’autres personnes en toutes circonstances. Pour moi, cela signifie que c’est une vraie langue. Vous pouvez le nier, si vous voulez, en redéfinissant le terme « vraie langue », mais ce serait une façon si triviale d’éluder la question qu’il s’agirait plutôt d’une preuve de mesquinerie plus que d’un problème de langue.

2 - Les vraies langues évoluent, et pas l’Espéranto ... je me trompe ?

Si vous pensez que passer d’un vocabulaire de 800 racines (en 1887) à un vocabulaire de 9000 racines officielles et au moins 9000 racines non-officielles (c’est la taille du dictionnaire Espéranto-Chinois de Zhang Honfan) n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué.
Si vous pensez que l’utilisation graduelle de la terminaison -N n’est pas une évolution (Zamenhof aurait dit "paŝo post paŝo" pour "pas à pas" ; la plupart des gens diraient maintenant "paŝon post paŝo"), alors probablement qu’il n’a pas évolué.

Si vous pensez que la disparition progressive des racines-objet se terminant par -CIO en faveur des racines-action tronquées (’abolicio’ -> ’aboli’, ’navigacio’ -> ’navigi’, ’administracio’ -> ’administri’, ’federacio’ -> ’federi’), n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué.

Si vous pensez que la conversion progressive de noms de pays se terminant par -UJO en noms de pays se terminant par -IO, n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué.

Si vous pensez que la transformation graduelle de ’anstataŭ’ et ’krom’ en conjonctions de coordination à partir de prépositions (avec pour conséquence l’usage du -N pour lever les ambiguïtés) n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué.

Si vous pensez que l’accroissement du corps des affixes de 8% n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué.

Si vous pensez que l’apparition d’un grand nombre d’affixes non officielles n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué.

Si vous pensez que l’apparition de courtes phrases prépositionnelles concaténées en adverbes n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué.
Si vous pensez que le développement de douzaines de styles différents d’écriture n’est pas une évolution, alors probablement qu’il n’a pas évolué. Etc.

Bien sûr, vous pouvez toujours arguer que la structure de base de l’Espéranto et sa grammaire n’ont pas ’évolué’ pendant les 100 dernières années. Mais alors celles du Français et de l’Anglais non plus. Que voulez-vous ? Cela marche bien comme cela.

3 - L’Espéranto ne peut pas être aussi simple à apprendre que ce que clament les espérantistes... je me trompe ?

La plupart des espérantistes aujourd’hui hésitent à le dire, craignant (à juste titre) que ceux qui ne connaissent rien à l’Espéranto ne se moquent d’eux. Quand le comte Léon Tolstoï annonçait qu’il avait appris l’Espéranto « en trois ou quatre heures » nous pouvons affirmer - et probablement sans nous tromper - que cela signifie que le polyglotte Tolstoï avait appris, en 3-4 heures, à lire des textes en Espéranto avec l’aide d’un dictionnaire.

D’un autre côté, j’ai connu énormément de personnes qui, dans un très très court laps de temps (usuellement quelques mois, parfois quelques semaines, rarement - mais parfois quand même - quelques jours) avaient appris seules à lire et écrire l’Espéranto mieux que toute autre langue étudiée en classe pendant des années, et qui - c’est une expérience que j’ai partagée -, la première fois qu’elles furent confrontées à l’Espéranto parlé, n’eurent aucune difficulté à comprendre et à participer à la conversation.

Pourquoi croyez-vous que tant de personnes parlant l’Espéranto s’enthousiasment autant ? Parce qu’ils croient que ce dernier va sauver le monde ? Voyez ci-dessous.

Pourquoi l’Espéranto serait-il plus simple à apprendre ? D’abord, parce que sa grammaire a été débarrassée de toute irrégularité.

L’étudiant en Anglais, par exemple, doit assimiler au moins deux verbes totalement irréguliers et environ 300 verbes « forts » c’est à dire à changement de racine, chacun d’eux ayant trois composants à apprendre séparément ;

L’étudiant en Espéranto doit apprendre juste un paradigme et six terminaisons applicables à tous les verbes.
L’étudiant en Anglais doit apprendre la terminaison du pluriel d’un grand nombre de noms (et, en conséquence, doit prêter attention à chaque nom pour savoir s’il doit utiliser une de ces terminaisons inhabituelles ; l’étudiant en Espéranto doit juste apprendre la terminaison du pluriel commune à tous les noms. Etc.
Ensuite, parce que l’Espéranto a un système efficace de construction de mots.

Une fois que vous avez mémorisé un vocabulaire relativement modeste (11 terminaisons grammaticales, 9 pronoms, une douzaine de nombres, un système de corrélatifs construit sur 14 éléments, environ 40 affixes et une centaine de particules, et peut-être 300 racines), vous avez le vocabulaire nécessaire à une conversation en Espéranto, et vous comprenez 90% de la plupart des textes. Vous attrapez le reste selon vos besoins.
Enfin, l’Espéranto ne vous oblige pas à apprendre autant de contextes que de mots.

Quand utilisez-vous la racine « profund » ? Chaque fois que vous parlez de profondeur, physique ou métaphorique. Quand utilisez-vous le mot « deep » en Anglais, et quand utilisez-vous « profound » ?

Voici le truc : Vous ne devez jamais utiliser ce dernier dans un sens physique, mais, dans un sens métaphysique les deux sont (quasiment) interchangeables.

En Espéranto, une racine a un sens et peut être utilisée également au sens métaphysique ; mais il n’existe aucune règle qui édicte, « vous ne pouvez utiliser cette racine-là, parce que vous devez utiliser cette autre qui le même sens mais dans ces conditions précises. »

Je cite ma meilleure amie : elle a étudié l’Anglais pendant 9 ans (au Lycée et à l’Université) dans son pays d’origine. Elle a étudié l’Espéranto pendant un semestre au cours de sa dernière année universitaire. A la fin de ce semestre, elle s’est sentie, pour lire et écrire, plus compétente et plus à l’aise en Espéranto qu’en Anglais. (Soit dit en passant, la langue maternelle de mon amie est le Shangaïnais, et non pas une des langues européennes ; et elle n’a pas appris l’Espéranto comme passe-temps, ou pour sauver le monde, mais parce que les autorités universitaires lui avaient, contre son gré, enjoint de le faire. Elle ne le regrette pas !)

4 - L’Espéranto n’a pas grande utilité... je me trompe ?

Personnellement, je l’ai trouvé plus utile que je ne l’aurais supposé, 30 ans auparavant. Je l’ai utilisé pour voyager en Europe et en Chine, et aperçu quel genre de voyages j’aurais faits si je n’avais employé que l’Anglais ; disons-le de façon élégante, où je suis passé, j’ai constaté que les Espérantistes désiraient converser, alors que les Anglicistes désiraient prendre. (A l’exception, bien sûr, de la Grande Bretagne ; mais même là, n’en déplaise à ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas grand différence entre l’anglais et l’américain, des problèmes de langue et d’accent interviennent parfois, comme je l’ai déjà écrit ailleurs dans une autre publication.

En passant et en réponse à l’idée que les programmes de télévison et les films britanniques sont largement diffusés à la télévision américaine, je ferais remarquer que presque 100% de ceux-ci passent sur les chaînes de télévision publiques, ce qui, en terme d’audience, nous fait descendre pas loin des chaînes religieuses ou de télé-achat ;

Et que presque tous ceux qui sont présentés ont été fabriqués en Angleterre mais dans l’esprit du marché américain - les deux seules exceptions notables dont je me souviens étant les Monty Python et le Docteur Who.)
Je lis des livres du monde entier en Espéranto, je souscris à des magazines du monde entier en Espéranto (et en reçois certains auquels je n’ai jamais souscrit - j’en profite pour remercier la Yokohama Espéranto-Rondo pour leur excellente fenêtre sur la vie japonaise, _Novaĵoj Tamtamas_), j’ai des amis dans le monde entier par le biais de l’Espéranto, et j’ai une bien meilleure idée de ce qui se passe dans le monde que je n’en aurais jamais eue au moyen des journaux, des magazines, ou des services de nouvelles en anglais.

Vous pouvez trouver cela peu utile. Dans ce cas, je ne peux guère argumenter car votre définition de l’utilité diffère trop de la mienne.

Une autre indication de l’utilité ou de l’inutilité de l’Espéranto peut être fournie par l’expérience de Radio Polonia, dont les émissions en Espéranto pendant trois décades apportèrent un nombre de courriers d’auditeurs surpassé seulement par celui des émissions en allemand - mais plus élevé que celui des émissions en anglais.
C’est pourquoi, lorsque Radio Polonia dut faire des coupes sombres dans son budget après la chute du communisme, elle réduisit fortement son budget pour l’Espéranto, alors qu’elle annula purement et simplement des émissions dans certaines « langues de grande diffusion » — on pense tout de suite à l’Espagnol —

5 - La plupart des organisations internationales ont fermement rejeté l’Espéranto... je me trompe ?

Si c’était le cas, les Espérantistes ne seraient pas vraiment satisfaits - mais, loin de rejeter l’Espéranto, depuis que la Ligue des Nations eut accepté (sans tenir compte des protestations véhémentes du gouvernement français) le rapport enthousiaste sur la langue, rédigé par l’Assistant au Secrétaire Général Inazo NITOBE, aucune organisation internationale - en particulier parmi celles existant actuellement - n’a pas même daigné jeter un oeil sur l’Espéranto, quand bien même, dans le cas de l’ONU, elles aient été obligées de reconnaître son existence (par les deux plus grandes pétitions internationales jamais enregistrées à partir d’initiatives privées, l’une en 1948 et l’une en 1966 - dans le premier cas, elles en ont juste référé à l’UNESCO, et dans le second cas elles ont simplement perdu la pétition). Les messages internes à l’ONU relatifs aux problèmes de langues se réduisent aux solutions traditionelles (ajout de langues, appel à plus d’interprètes et de traducteurs, assurance que tout employé est polyglotte), sans dédier le moindre paragraphe à l’étude - et peut-être le rejet - de l’idée d’adopter une langue auxiliaire neutre.

L’Espéranto n’a jamais été rejeté par l’ONU ou UE. Il n’a jamais été pris en considération.

(Le cas de l’UNESCO est quelque peu extraordinaire. En dépit des protestations formelles du Département d’Etat américain, l’UNESCO a envisagé une résolution favorable à l’Espéranto à sa conférence générale de 1954 à Montevideo - et l’a fermement rejetée. Mais le mode de rejet fut tellement irrégulier [et, grâce aux Espérantistes uruguayens, rendu tellement public] que la presse locale obligea l’UNESCO à reconsidérer la chose avant la fin de la conférence - et, cette fois la même résolution fut adoptée. Une seconde résolution favorable fut passée 30 ans plus tard, à Sofia, en Bulgarie - et par quelque coïncidence bizarre, à la première conférence générale suivante les Etats Unis et la Grande Bretagne [lire : Ronald Reagan et Margaret Thatcher] rangèrent leurs crayons et repartirent à la maison.)

6 - Le Latin serait un choix plus judicieux de langue commune en Europe... je me trompe ?

Zamenhof, qui allait plus tard inventer l’Espéranto, décida, lorsqu’il écrivait encore son âge avec un seul chiffre, que la solution aux problèmes linguistiques qu’il voyait quotidiennement autour de lui était de convaincre tout un chacun dans le monde d’apprendre le Latin ou le Grec classique ; et il avait juré de se dévouer à cette cause à l’âge adulte.

A la puberté, Zamenhof fut admis en Lycée sur la piste de la langue, où il eut le privilège d’étudier à la fois le Latin et le Grec classique. Je ne sais pas combien de semaines de cours furent nécessaires avant qu’il ne s’aperçoive qu’inventer sa propre langue était plus réaliste.

J’ai étudié le Latin au Lycée pendant trois ans, et j’ai de bonnes raisons de croire que peu de mes compatriotes contemporains aient été aussi férus de lutte avec cette langue que je le fus. Au bout de trois ans je pouvais, avec l’aide du Cassel que j’avais gagné dans un concours, déchiffrer - bien que sans enthousiasme - Virgile et Cicéron.

Je peux dire sans crainte que si la saga de Gosta Berling de Selma Lagerlof et « Sous le joug » de Ivan Vazov avaient été traduits en Latin plutôt qu’en Espéranto, je n’aurais pas dévoré pendant des heures ces deux classiques de plusieurs centaines de pages l’année suivant ma sortie de Lycée. Regardons les choses en face - le nombre de personnes adultes qui vont apprendre le Latin comme langue auxiliaire suffisamment bien pour suivre une conversation courante, ou même pour lire des textes simples, est au moins aussi minuscule que le nombre de personnes adultes qui vont apprendre tout autre langue ethnique au même niveau.

Mais une version simple et modifiée du Latin telle que Interlingua serait plus européenne... je me trompe ?
Si vous parlez de l’avorton créé par Alexander Gode dans la fin des années 40, oubliez-le. Imaginez, une langue construite avec encore trois conjugaisons ???

Si vous vous référez à celle connue sous le nom de "Latino Sine Flexione" du mathématicien italien Peano - c’est autre chose. C’est le Latin comme il aurait du être, débarrassé de ses déclinaisons compliquées, conjugaisons, et de son incompréhensible ablatif, mais - néammoins en termes de vocabulaire - restant essentiellement Latin ! Je ne sais si quelques uns, et combien, parlent encore cette langue, mais, si cela vous intéresse, il serait certainement un meilleur candidat à la renaissance que l’Interlingua de Gode, l’Interglossa de Hogben (ressuscité de nos jours en Glosa), ou n’importe lequel des milliers de projets linguistiques morts-nés. Quelques universitaires européens seraient capables de retrouver des exemplaires - Je crois me rappeler qu’un volume des oeuvres complètes de Peano avait été rédigé entièrement dans cette langue.

7 - Les Espérantistes croient tous que si chacun apprenait l’Espéranto, ce serait la fin des guerres et des tueries dans le monde... je me trompe ?

Si vous placez six Espérantistes ensemble dans la même pièce, la seule chose sur laquelle ils tomberont d’accord est que l’Espéranto est une bonne chose. Si vous en mettez 12, il y a de bonnes chances d’en trouver un qui n’est même pas d’accord avec ça.

Par contre, tout Espérantiste sera probablement d’accord sur le fait que si le monde entier apprenait l’Espéranto, chacun dans le monde serait capable de parler Espéranto. Quant à dire si ceci est à souhaiter ou pas - vous ne trouverez aucun accord là-dessus...

8 - L’Espéranto n’a pas le vocabulaire technique pour prétendre devenir une langue moderne... je me trompe ?

Vous attendiez-vous à ce qu’un groupe obnubilé par le langage supervisât d’une façon ou d’une autre les vocabulaires techniques ? L’Espéranto a probablement l’un des lexiques techniques les plus précis parmi les langues minoritaires -.

Vous pouvez même trouver quelques échantillons de dictionnaires techniques disponibles gratuitement sur internet. Cherchez dans les dictionnaires de Pilger les noms de mammifères ou d’insectes (selon la classification de Linné), ou dans n’importe lequel des trois dictionnaires de terminologie informatique à ftp.stack.urc.tue.nl:/pub/Espéranto — parmi ceux-ci, si vous avez TeX et une imprimante-laser, je recommande la dernière version du livre de Pokrovskij (+ de 1700 définitions, avec des équivalences en particulier en Anglais, illustré).

9 - Les Espérantistes utilisent la langue uniquement pour parler d’Espéranto... je me trompe ?

Voilà un bon point de départ pour des gens de tant de cultures différentes et qui n’ont rien en commun sinon la langue. Mais ce n’est certainement pas une fin en soi . Si la moitié des messages de soc.culture.Espéranto se rapportent à l’Espéranto, l’autre moitié ne s’y rapporte pas - Il y a récemment eu, par exemple, des messages sur la guerre de Tchétchénie (provenant de Russie, entre autres), sur le tremblement de terre au Japon (provenant du Japon, entre autres), sur les inondations aux Pays-Bas (provenant des Pays-Bas, entre autres), etc. Quelques magazines en Espéranto se dédient entièrement à l’Espéranto, et sont rédigés dans cette langue ; d’autres (El Popola Ĉinio de Chine, Monato de Belgique, Novaĵoj Tamtamas du Japon, La Espero el Koreio de Corée, par exemple) absolument pas. Et la plupart des livres en Espéranto n’ont rien à voir avec l’Espéranto, sauf à être rédigés dans cette langue (Dans Sferoj, l’almanach de SF, par exemple, sur 9 volumes, je doute que le mot même d’Espéranto apparaisse une seule fois, sauf à la page des droits d’auteur.

10 - Vous ne pouvez pas exprimer tous les concepts utiles en Espéranto . .. .. je me trompe ?

Tout langage parlé développe les moyens, à l’intérieur des règles qui le définissent, pour exprimer tous les concepts utiles.

Vous pouvez exprimer aujourd’hui tous les concepts utiles en Anglais, Chinois et Swahili. Vous n’auriez pas pu exprimer tous les concepts utiles en Espéranto le 26 Juillet 1887 (date de la sortie de presses du premier livre de textes en Espéranto), mais à la fin de cette décade vous l’auriez pu sans problème. Vous ne pourriez pas exprimer tous les concepts utiles en Interlingua, Loglan, Klingon ou Quenya - mais si un de ceux-ci atteignait un nombre significatif de locuteurs, croyez-moi, vous le pourriez.

11 - Vous ne pouvez pas traduire de grande littérature en Espéranto... je me trompe ?

Il y a plein de traductions lamentables en Espéranto - chaque fois que je jette un oeil à la traduction de _La Mère_ de Grazia Deledda, par La Certosa, je suis effondré. (Je soupçonne Mr. La Certosa de faire de même après quelques années de plus au compteur). Il y en a aussi des tas de bonnes. J’en ai indiqué quelques-unes ailleurs et ne m’étendrai pas sur une liste de mes favorites. Retenez cette règle simple, applicable à n’importe quelle langue : une bonne traduction suffit à souligner la qualité de la langue, une mauvaise suffit à souligner la qualité du traducteur.

(Exemple : en 1986 j’ai trouvé une copie de la traduction en Espéranto des _Troyennes_ d’Euripide par Albert Goodheir. Après lecture, je décidai de la réécrire en la comparant à une traduction anglaise. Je sortis celle de Edward P. Coleridge de ma bibliothèque et l’ouvrît. C’était illisible et la nouvelle version ne fut jamais écrite. Autant que je puisse dire, la principale différence ne résidait pas dans la langue du traducteur mais dans le fait que Goodheir traduisait quelquechose qui lui tenait à coeur, pendant que Coleridge s’adonnait à un exercice de traduction. La traduction de Goodheir démontrait les possibilités de l’Espéranto ; alors que quiconque, ayant une bonne maîtrise de l’Anglais, sera d’accord pour trouver que Coleridge montrait seulement qu’il était capable de le faire.)

Un jour, Fernando de Diego affirma, de façon sarcastique, que 50% des traductions en Espéranto étaient des traductions minables de travaux sans intérêt, 20% des traductions minables de littérature de qualité, 20% de bonnes traductions de littérature insignifiante, et, seulement 10% de bonnes traductions de littérature de qualité. Les lecteurs américains de SF auront reconnu là une redécouverte de la célèbre loi de Théodore Sturgeon — "90% de la SF sont bons à jeter, mais 90% de n’importe quoi sont bons à jeter ! " - ce contre quoi la littérature espérantine, comme n’importe quoi d’autre, n’est pas immunisée.

.... Et pour terminer ...

12 - Les Espérantistes sont tous d’accord pour l’adoption de l’Espéranto comme langue officielle de l’Union Européenne. . . je me trompe ?

Par bonheur, je ne suis pas citoyen (de première ou deuxième classe) de l’Union Européenne, je n’ai donc pas besoin de me demander ce qui serait le plus avantageux pour l’UE. Je suis un Espérantiste, et me demande ce qui serait le plus avantageux pour l’Espéranto. Et je ne vois pas l’Espéranto devenir un outil pour le gouvernement de l’UE.

1. L’Espéranto n’appartient à personne - et ce faisant, il appartient à quiconque voulant l’utiliser. A moins qu’un couple de poids lourds vienne à décider, en même temps que l’UE, de faire de l’Espéranto leur langue officielle (et je ne crois pas cela possible !), l’UE deviendrait alors propriétaire de l’Espéranto ; alors, nous pourrions dire adieu à notre neutralité culturelle et politique dont nous nous enorgueillissons.

2. Et, une fois que l’UE aurait décidé « en principe » d’adopter l’Espéranto, qui nous garantirait qu’un couple d’Eurocrates, en cassant la croûte chez Mc Donald à Bruxelles, ne se mettrait pas en tête de « réparer » la langue. Un siècle d’usage a montré que les « réparations » (communément appelées « réformes ») sont généralement le produit de gens qui ayant parcouru une seule fois la méthode Apprenez-vous-même-l’Espéranto, décident que, parce que Zamenhof n’avait pas oeuvré dans le même esprit que le Français, il avait tout faux, et se proposent alors de rafistoler le langage. En d’autres mots, la plupart des réformes de l’Espéranto ne sont vraiment pas des améliorations. La plupart finissent dans les poubelles de l’histoire. L’UE aurait le poids pour s’assurer que, bien ou mal, cela n’arrive jamais.

Je pense que l’adoption de l’Espéranto par l’UE serait un pas vers la résolution d’une multitude de problèmes qui empoisonnent l’organisation - y compris celui très important de la rendre plus démocratique. Mais je ne pense pas que cela ferait grand bien à l’Espéranto, et je n’éprouve aucun enthousiasme à cette idée. Et je connais des Espérantistes - même au sein de l’UE - qui sont d’accord avec moi.

Don HARLOW
http://www.webcom.com/~donh/don/don.html