5999 langues de trop ! (?)

Publié le merkredo 28a aŭgusto 2002 par admin_sat , mis a jour le vendredo 4a julio 2008

Nous sommes en 2002. La marée noire du tout anglais n’a pas encore tout submergé ni souillé, même si elle rend la personne humaine vachement folle, au point que des Chinois suivent l’exemple de ces parents Coréens qui font subir à leurs enfants une opération chirurgicale de la langue dans l’espoir qu’ils parviendront à bien prononcer l’anglais.

Les milieux d’affaires maffieux qui ont fait main basse sur les États-Unis — un pays sur lequel le peuple conditionné perd tout contrôle et où un trou de milliards de dollars peut passer inaperçu dans la comptabilité de sociétés — sont les mêmes qui veulent vassaliser l’Europe et piller les autres continents.

Ces mots du président Franklin D. Roosevelt sont déjà loin (6 janvier 1941) :
"Nous voulons que le monde futur soit fondé sur quatre libertés essentielles.
La première est la liberté de parole et d’expression, dans le monde entier.
La deuxième, la liberté pour chacun d’adorer Dieu comme il convient, dans le monde entier.
La troisième est la liberté de vivre à l’abri du besoin, ce qui implique, sur le plan mondial, des ententes économiques assurant aux nations une vie saine et pacifique, dans le monde entier.
La quatrième est la liberté de vivre sans crainte, ce qui implique, sur le plan mondial, une réduction des armements si complète qu’aucune nation ne soit en mesure de commettre contre son voisin un acte d’agression physique, dans le monde entier."

La liberté de parole et d’expression, dans le monde entier, passe par l’usage, dans les relations entre les peuples, d’une langue d’accès facile et excluant toute situation de de privilège et de monopole linguistique au profit exclusif d’un pays ou groupe de pays, sans quoi les autres libertés ne sauraient suivre. La dimension linguistique des relations internationales ne fait pas l’objet de toute l’attention et des interrogations qu’elle mérite dans des propositions comme celle, notamment, du développement durable.

Développement durable

L’idée de développement durable est-elle réellement concevable en dehors des principes d’équilibre, d’égalité des chances, de démocratie ? Ces principes existent-ils là où une langue dominante permet à ses locuteurs natifs d’être les plus éloquents et les plus adroits à la tribune où lors de négociations, donc d’imposer ainsi leur point de vue et leur modèle de société ?

Linguiste renommée, Henriette Walter a dit très justement qu’"une langue, c’est une façon de voir le monde". La langue structure en effet la pensée. L’Occident a imposé quelques unes de ses langues à la plus grande partie du monde, et l’une d’elles évince aujourd’hui toutes les autres. Le processus de mondialisation de l’économie et du libéralisme sauvage va de pair avec l’anglicisation forcenée et tout aussi sauvage du monde.

Des ouvrages récents de Charles Durand traitent de ces problèmes avec beaucoup de profondeur et de pertinence, notamment "La mise en place des monopoles du savoir" (éd. L’Harmattan) et "La nouvelle guerre contre l’intelligence" (éd. François Xavier de Guibert). Professeur d’informatique à l’Université de Belfort-Montbéliard, ayant longuement vécu au Canada, aux États-Unis et au Japon, Charles Durand a largement traité du danger qu’il y a à laisser le champ libre à une langue hégémonique. C’est d’autant plus vrai que cette langue appartient à un groupe de cinq nations dont la vision du monde va à l’encontre du développement durable et qui appartiennent au réseau d’espionnage "Echelon". Imposer sa langue, c’est imposer sa propre vision du monde et aussi induire à l’aliénation.

Ni Bush, ni Ben Laden !

Et pourtant, dans les innombrables situations où le multilinguisme se montre inopérant, les tenants du développement durable ont recours à la langue de Wall Street, de Bush et de la CIA sans la moindre conscience de l’incommensurable service ainsi rendu à ceux qui veulent imposer au monde leur conception désastreuse de l’"ordre" génératrice de désordre, de violence, de saccage, de détresse et de guerre, de Saddam Hussein et autres Ben Laden.

Il faut rappeler et répéter que, dans le cadre du très confidentiel "Anglo-American Conference Report", en 1961, le groupe des cinq nations devenues par la suite partenaires du réseau d’espionnage "Echelon" se dénommait déjà prétentieusement "le Centre" : "l’anglais doit devenir la langue dominante" ... "la langue maternelle sera étudiée chronologiquement la première, mais ensuite l’anglais, par la vertu de son usage et de ses fonctions, deviendra la langue primordiale"... "Le Centre a le monopole de langue, de culture et d’expertise, et ne devrait pas tolérer de résistance contre le règne de l’anglais" ... "Si des Ministres de l’Éducation nationale, aveuglés par le nationalisme [sic] refusent.... c’est le devoir du noyau des représentants anglophones de passer outre."

Le 20 février 1997, "À gauche" citait Madeleine Albright, alors secrétaire d’État de Bill Clinton : "L’un des objectifs majeurs de notre gouvernement est de s’assurer que les intérêts économiques des États-Unis pourront être étendus à l’échelle planétaire."
Le 31 juillet 2000, l’hebdomadaire "Marianne" rapportait les propos de Margaret Thatcher qui, aux États-Unis, s’en était violemment prise à la France en raison de son refus d’alignement docile sur sa façon de voir le monde : "Au XXIe siècle, le pouvoir dominant est l’Amérique, le langage dominant est l’anglais, le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon".

Quant à David Rothkopf, directeur général du cabinet de consultants Kissinger Associates, il a été encore plus précis dans un ouvrage paru en 1997 : "Praise of Cultural Imperialism" (Louange de l’impérialisme culturel) : "Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais ; que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de télécommunications, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines ; que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se reconnaissent."

Le monde a besoin aujourd’hui d’une langue de communication internationale, et même plus précisément anationale (non nationale, a-nationale, comme le devint le latin), dans laquelle tous les peuples se reconnaîtront au même titre, une langue devant laquelle ils seront libres et égaux en droits et en dignité, une langue qui ne dispensera personne du partage de l’effort et qui ne contraindra pas 92% des Terriens à assumer tout l’effort, à soustraire une grande partie de leur temps et de leurs ressources financières, par l’apprentissage de la langue dominante sans pour autant accéder à un niveau de maîtrise et d’élocution comparable à celui des natifs.
Imaginez laquelle.