Handicap visuel sans frontières

Publié le samedi 27 mars 2004 par admin_sat , mis a jour le samedi 23 décembre 2006

En 1901, à l’époque où l’espéranto commençait à se propager en Europe, après avoir vu le jour à Varsovie en 1887, un imprimeur suédois de braille, sourd et aveugle, Harald Thilander, proposa un code braille simple et efficace adapté à cette langue internationale. La première méthode d’apprentissage et des dictionnaires en différentes langues commencèrent alors à paraître pour les déficients visuels.

Fondée en 1904 grâce à l’appui de Théophile Cart, polyglotte, professeur au Lycée Henri IV puis à l’École des Sciences Politiques, président de la Société de Linguistique de Paris, la première revue internationale en braille, "Esperanta Ligilo" , continue de paraître dix fois par an*. Cart se dévoua sans compter pour sortir les handicapés visuels de leur isolement. En 1913, l’annuaire des aveugles espérantistes avait plusieurs centaines d’adresses. Le premier congrès international des espérantistes aveugles se tint à Prague en 1921. Le mouvement connut une nouvelle croissance pour atteindre plus d’un millier en 1931. Les premières associations internationales furent fondées en 1923, puis 1933. La Ligue Internationale des Espérantistes Aveugles (LIBE) existe depuis 1950 [1].

L’une des grandes figures des non voyants dans le monde espérantophone fut le poète russe Vassili Erochenko (1890-1952). La cécité ne l’empêcha pas d’avoir une vie intrépide et mouvementée. Son premier voyage le conduisit en 1912 dans un institut pour aveugles d’Angleterre. Il se rendit en 1915 au Japon pour étudier le massage dans une école d’aveugles de Tokyo. Deux ans après, il se retrouva au Siam où il fonda une école pour les non-voyants. Incarcéré, puis expulsé comme "bolcheviste russe" en traversant l’Inde, il regagna le Japon via Changhaï en 1919. Erochenko maîtrisait fort bien le japonais. Les contes pour enfants qu’il écrivit dans cette langue furent particulièrement appréciés. Mais sa participation au congrès de la fédération socialiste nippone et à la manifestation du ler mai 1921 lui valut d’être arrêté et expulsé. Il se rendit alors en Chine où le recteur de l’Université de Pékin, Tsaï Yuanpeï, l’invita à y enseigner l’espéranto en plus de la littérature russe. Sa prononciation élégante de l’espéranto lui valut le premier prix de déclamation pour son poème "Ciganino" (Tsigane, au féminin) lors du Congrès Universel d’Espéranto de Nuremberg, en 1923. En 1912, sous le gouvernement de Sun Yatsen, Tsai Yuanpeï avait été le premier ministre de l’éducation au monde à s’être efforcé d’introduire l’espéranto dans l’enseignement.

Dans la pratique

Internet, les radios locales ou internationaes, dont certaines diffusent des émissions en espéranto retransmises par satellites, accroissent les moyens et les motivations pour pratiquer cette langue pour laquelle existent beaucoup d’autres possibilités : revues (cassettes et braille), littérature traduite ou originale, corespondance, jeux, poésie, théâtre, chanson, échanges professionnels, radio-amateurisme...

Internet offre aujourd’hui des possibilités extraordinaires pour les non-voyants. Certains militent aussi pour accroître l’usage de la langue parmi les handicapés, pour améliorer et développer ainsi l’échange d’informations et d’expériences à l’échelle mondiale. Sa pratique est aussi une incitation au voyage et fournit l’occasion de rencontres tout autour du globe.

La progression de l’espéranto dans le monde des non voyants est honorable si l’on considère que la langue des signes, inventée il y a plus de trois siècles, était encore interdite dans les instituts pour sourds de France en 1991.

Bibliothèques sonores

Ouvrages en français abordant les thèmes de la communication linguistique et de l’espéranto lus et enregistrés sur cassettes à l’intention des déficients visuels :

 "Le défi des langues", de Claude Piron. Éditions L’Harmattan. Biblothèque Sonore de Montreuil-sous-Bois, 14, rue de l’Église, 93100 Montreuil. Tél. 01 42 87 23 73. Site
<http://isabelle.chatonnier.free.fr>

 "L’homme qui a défié Babel", de René entassi et Henri Masson. Éd. Ramsay [il ’agit de la première édition parue en 1995], Bibliothèque sonore de Lille Métropole Nord, association des donneurs de voix, 34, avenue Maurice Schumann, 59370 Mons-en-Baroeul.
Tél.-Fax : 03 20 04 97 41. Adresse Courriel :

 "Et leur vie, c’est la terre", distribué par les auteurs Bruno et Maryvonne Robineau, Moulin Boireau, 49270 Landemont, Éditions Opéra. Version sonore : ALAN (Association Loisirs et Arts pour Non-voyants), La Grande Harnacherie, 37390 La Membrolle-sur Choisille.
Tél. : 02 47 54 00 00