Kun Esperanto en Nepalo*

Publié le mardi 27 janvier 2004 par admin_sat , mis a jour le lundi 27 septembre 2004

Voici plus de quarante ans, c’est sous ce titre que parut le présent article, à New York, dans le numéro du 31 octobre 1962 de Secretariat News, publication du secrétariat des Nations Unies. Il portait la signature de Georges Kersaudy, l’auteur de Langues sans frontières (éd. Autrement, Paris, 2001)

II y a une dizaine d’années, le Népal était encore un pays mystérieux et inaccessible. On en parlait rarement, on n’y allait jamais.

II suffit aujourd’hui de s’adresser à une agence de voyages pour visiter le pays en touriste. Me trouvant l’année dernière à Delhi, j’ai obtenu le visa népalais en 24 heures et, par Air India, je me suis rendu, de Patna à Kathmandu, en deux heures et demie. Quand on aborde le Népal par le Sud, on survole une plaine marécageuse, haute de cent mètres environ au dessus du niveau de la mer, qu’on appelle le Terai. On franchit ensuite presque sans transition les premiers contreforts de l’Himalaya et on ne tarde pas à survoler des pics neigeux dont le moindre dépasse la hauteur du Mont Blanc. L’arrivée à Kathmandu est particulièrement impressionnante ; l’avion s’enfonce entre deux montagnes, on a l’impression que son aile va toucher les pentes, et tout d’un coup, au milieu de ce paysage chaotique, on découvre la vallée de Kathmandu, un rectangle bien plat d’environ 40 kilomètres de long sur 20 de large, entouré d’une formidable muraille de montagnes blanches, et traversé par une rivière dans toute sa longueur.

Au milieu de la vallée se trouvent les trois grandes villes du royaume, serrées l’une contre l’autre comme si elles avaient peur d’être écrasées : ce sont Kathmandu, la capitale, Patan et Bhatgaoñ, elles mêmes anciennes capitales de royaumes rivaux aujourd’hui disparus.

Kathmandu a été fondée au VIIIème siècle de notre ère et elle n’a pas cessé de croître et de prospérer, sans contacts avec le monde extérieur et sans rien perdre de son caractère. Il y a bien ici et là quelques traces de modernisme, une centaine d’automobiles qui n’osent se montrer que dans les rues principales, les autres étant ornées de sanctuaires placés au milieu de la chaussée, quelquefois dans une excavation profonde de plus d’un mètre. Quelques hauts parleurs dans le centre de la ville, des postes de radio dans une boutique et quelques bicyclettes. A part celà, depuis le haut moyen-âge la vie continue sans heurts dans le même cadre : des échoppes dans des rues étroites aux pavés inégaux, des maisons aux façades austères mais avec des fenêtres merveilleusement sculptées, et partout des sanctuaires et des temples à toits étagés, chargés de figurines en bronze ou en bois peint, représentant des dieux et des déesses, des hommes et des bêtes dans les actes les plus variés et les plus inattendus, des lions, des dragons, des griffons et tout ce que la nature n’a pu créer faute d’imagination, une débauche de formes et de couleurs, et parmi tout celà, un peuple simple et fier, vivant dans ses traditions plusieurs fois millénaires, heureux de son sort et généralement inconscient de l’anachronisme qu’il représente.

On découvre au Népal qu’une population isolée, enracinée dans ses traditions, n’est pas pour autant arriérée. Dans certains domaines les Népalais ont compris mieux que beaucoup d’autres les problèmes de notre temps et j’en ai eu la preuve dès mon arrivée. Le garçon de l’hôtel qui s’affairait au bureau de la réception aperçut immédiatement l’étoile verte que je portais à la boutonnière et me proposa de me conduire sur-le-champ au club espérantiste de la ville. C’est là que je fis connaissance de la jeunesse du pays ; nous parlions la même langue, "notre langue", l’Esperanto, et il n’y eut pas de glace à rompre. Je répondais à toutes leurs questions et ils répondaient à toutes les miennes. Ils voulaient tout savoir et tout à la fois : comment on vivait en Europe, aux Etats-Unis en Thailande, comment fonctionnaient les Nations Unies, l’Assistance technique, 1’ECAFE**, etc... De mon côté je découvrais un autre monde, j’entrevoyais des dimensions nouvelles, j’avais l’impression de sortir de mon village et de jeter des coups d’oeil furtifs dans le village du voisin, étonné de le trouver si différent du mien et pas du tout plus absurde.

Depuis un an déjà, le Népal possédait une université, le Tri Chandra College. Le professeur d’astronomie et astrologie, ayant appris l’arrivée d’un espérantiste étranger, avait eu l’idée curieuse de couper sa barbe avant de venir me voir, probablement "pour faire plus moderne" (il n’avait pas prévu que l’étranger pourrait être barbu). Il m’expliqua avec beaucoup de patience et sans prendre ombrage de mes critiques qu’au Népal l’astronomie et l’astrologie ne sont qu’une seule et même science, que les astronomes d’Occident étaient certainement de grands savants mais s’avouaient incapables de faire des prédictions, qu’il était peut être puéril en effet de prédire l’avenir mais que sa seule excuse était de faire des prédictions exactes. Il le prouvait d’ailleurs...
[...] A Kathmandu aussi, la vie moderne s’est imposée sans transition mais non sans difficultés.
Les automobiles et les petits camions que l’ont voit dans la ville sont venus, portés à dos d’hommes à travers la montagne. L’unique ligne de chemin de fer va de Raxaul près de la frontière indienne à Amlekganj, moins de cent kilomètres à vol d’oiseau de la capitale, mais ce sont cent kilomètres de pics et de précipices, de sentiers de chèvres au milieu des éboulis, à des hauteurs vertigineuses. Quand on voit sur la grande place de Kathmandu la statue équestre en bronze de l’un des Maharajahs, on pense surtout au chemin qu’elle a dû parcourir pour arriver là.

J’ai oublié de parler des costumes. Les hommes portent, soit le costume indien, pantalon et chemise de toile blanche et veste de drap, soit le veston avec le pantalon serré aux genoux et une calotte noire ou blanche. Beaucoup ressemblent de façon frappante aux paysans des Balkans, surtout aux Albanais ou aux Monténégrins avec lesquels je leur ai trouvé beaucoup de traits communs.
Dans Kathmandu et les environs, le népali et le newari sont les deux langues les plus usitées, les commerçants parlent souvent hindustani, on entend aussi parler tannung, bhutia, tibétain, anglais, etc. et l’Esperanto a fait son apparition dans cette vallée de Babel.

Georges Kersaudy

L’espéranto aujourd’hui au Népal
Né dans les Carpates, l’explorateur Tibor Sekelj fut parmi les premiers étrangers à visiter le Népal, un pays fermé au monde jusqu’en 1950. Il en a témoigné dans l’ouvrage ci-contre publié en 1959 aux éditions Stafeto (La Laguna de Tenerife, 214p.) et rédigé directement dans la langue qu’il a contribué à implanter dans ce pays : l’espéranto. Roi du Népal, Mahendra Bir Birkham Shah Deva (1920-1972) avait déclaré : “Si les Nations Unies reconnaissent l’espéranto et l’utilisent déjà pour leurs publications, alors le Népal soutiendra aussi l’idée et s’efforcera d’introduire ce moyen efficace de compréhension internationale.” Aujourd’hui, l’Association Népalaise d’Espéranto propose des rencontres qui, grâce à cette langue, rendent l’habitant et le pays plus proches, moins étrangers.

Ainsi, l’espéranto sera la langue de communication et d’échanges de la 5ème Rencontre Himalayenne Internationale qui aura lieu du 26 février au 8 mars 2004. Au programme : voyage à la vallée de Pokhara, randonnée de cinq jours au mont Punhill (3210m) à travers la région himalayenne de l’Annapurna ; séjour à Kathmandu au début et à la fin.

Contact : Nepala Esperanto-Asocio, GPO Box : 10518, Kathmandu, Nepal. Courriel : <sosierra> .

Tél. 00977-1-4413754 (s-ro L.P.Agnihotri). Tél. 00977-1-4359132 (s-ro Posh Raj Subedi). Fax : 00977-1-4413190.

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