Carpettes à vendre

Publié le dimanche 28 juillet 2002 par admin_sat , mis a jour le dimanche 8 août 2004

Les remarques du patron de Nissan et la réponse de Claude Piron sur l’anglais comparé à un logiciel ne manquent pas d’intérêt.
On peut supposer que le directeur de Nissan a été influencé par l’attitude du PDG de Renault, Louis Schweitzer, auquel des associations de défense de la langue française ont décerné, en 1999, le "Prix de la Carpette anglaise" pour avoir imposé l’usage de l’anglais dans les comptes rendus des réunions de direction de son entreprise.
En y regardant de plus près, l’anglais apparaît effectivement comme un programme inachevé dans lequel un bogue en cache un autre. Un temps démesuré est nécessaire pour en tirer toutes les ressources alors que la question de rentabilité est omniprésente.
Dès 1711, Jonathan Swift avait éprouvé le désir de le simplifier. En 1850, dans une lettre à J. Forster, Charles Dickens écrivait : "La difficulté d’écrire l’anglais m’est extrêmement ennuyeuse. Ah, mon Dieu ! si l’on pouvait toujours écrire cette belle langue de France !" Il ne pouvait certes se douter que Colette (1873-1954) écrirait plus tard : "C’est une langue bien difficile que le français. A peine écrit-on depuis quarante-cinq ans qu’on commence à s’en apercevoir" !...

Georges Bernard Shaw (1856-1950) avait reconnu l’impossibilité de rendre l’anglais simple et logique, en somme, d’en faire une version sans bogues. Sa tentative d’en réformer l’alphabet fut vaine. Des études récentes ont par ailleurs montré que c’est aux États-Unis qu’apparaît le taux le plus élevé de dyslexie en raison de la complexité graphique et phonétique de l’alphabet de l’anglais.

Bien qu’approuvé par Winston Churchill et par le gouvernement anglais, le projet d’anglais simplifié présenté par C. K. Ogden, d’abord en 1929 sous le nom de "Panoptic English" avec un vocabulaire de 500 mots de base, puis en 1935 sous le nom de "Basic English" avec 850 mots, a échoué comme tous les projets de simplification de langues nationales, en particulier le français, l’allemand et l’espagnol. Les travaux sur le Basic English ont néanmoins été mis à profit pour jouer le rôle d’attape-nigauds en donnant une fausse apparence de simplicité à l’anglais. En fait, le vocabulaire de 850 mots courants de l’anglais a 21120 sens, ce qui fait en moyenne 25 sens par mot ! La conjugaison comporte 283 verbes irréguliers. Les idiotismes sont innombrables.

Charles Durand, l’auteur de "La mise en place des monopoles du savoir" (voir au dos), qui a vécu près d’un quart de siècles aux États-Unis, au Canada et au Japon, écrit à juste titre : "L’anglais est donc la langue la plus facile à mal parler et cela se vérifie dans presque tous les pays du monde où l’anglais est largement utilisé avec les étrangers qui ne connaissent pas la langue du pays" (p. 43).
En 1924, 42 savants de l’Académie des Sciences avaient désigné l’espéranto comme un "chef d’oeuvre de logique et de simplicité". L’anglais se situe à l’opposé de cela.