Discours de fin de mandat du président Eisenhower, 17 janvier 1961

Publié le lundi 16 août 2004 par admin_sat , mis a jour le mardi 7 février 2006

(...) Notre organisation militaire n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’ont connu mes prédécesseurs en temps de paix, ni d’ailleurs les hommes qui ont combattu lors de la deuxième guerre mondiale ou de la guerre de Corée.

Avant la dernière guerre mondiale, les États-Unis n’avaient pas d’industrie d’armements. Les fabricants américains de charrues pouvaient, moyennant des délais suffisants et si les circonstances le justifiaient, se mettre à produire aussi des épées. Mais nous ne pouvions plus prendre le risque de voir notre défense nationale, en cas d’urgence, se laisser guider par l’improvisation. Nous avons donc été forcés de mettre sur pied une vaste industrie produisant des armes de façon continue. Par ailleurs, trois millions et demi d’hommes et de femmes travaillent directement pour le secteur de la défense. Nos dépenses annuelles pour la sécurité militaire dépassent le revenu net de l’ensemble des entreprises de notre pays.

La présence simultanée d’un énorme secteur militaire et d’une vaste industrie de l’armement est un fait nouveau dans notre histoire. Cette combinaison de facteurs a des répercussions — d’ordre politique, économique et même spirituel – perceptibles dans chacune de nos villes, dans les chambres législatives de chacun des États qui constituent notre pays, dans chaque bureau de l’administration fédérale. Certes, cette évolution répond à un besoin impérieux. Mais nous nous devons de comprendre ce qu’elle implique, car ses conséquences sont graves. Notre travail, nos ressources, nos moyens d’existence sont en jeu, et jusqu’à la structure même de notre société.

Dans les organes politiques, nous devons veiller à empêcher le complexe militaro-industriel d’acquérir une influence injustifiée, qu’il l’ait ou non consciemment cherchée. Nous nous trouvons devant un risque réel, qui se maintiendra à l’avenir : qu’une concentration désastreuse de pouvoir en des mains dangereuses aille en s’affermissant.

Nous devons veiller à ne jamais laisser le poids de cette association de pouvoirs mettre en danger nos libertés ou nos procédures démocratiques. Nous devons nous garder contre le risque de considérer que tout va bien parce que c’est dans la nature même des choses. Seul un ensemble uni de citoyens vigilants et conscients réussira à obtenir que l’immense machine industrielle et militaire qu’est notre secteur de la défense nationale s’ajuste sans grincement à nos méthodes et à nos objectifs pacifiques, pour que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble. (...)