Esperantosoft

Publié le dimanĉo 22a decembro 2002 par admin_sat , mis a jour le dimanĉo 8a aŭgusto 2004

Nous sommes des milliards - 92% de la population mondiale - pour lesquels l’anglais n’est pas la langue maternelle, pour lesquels ça coûte énormément d’efforts, de temps et d’argent de l’étudier, avec de très faibles perspectives d’égaler les natifs sur le plan de l’éloquence. Lorsque c’est le destin de l’humanité qui est en jeu, donc le destin de chacune de ses composantes, il ne suffit pas de savoir seulement "se débrouiller" au prix d’un effort disproportionné avec le résultat. Nous sommes donc des milliards à avoir intérêt à ce que lumière soit faite sur la politique linguistique européenne et mondiale, à ce qu’une question aussi grave ne soit pas éludée, à ce que personne ne décide en notre nom, sans que chacun n’ait une conscience réelle des enjeux.

Les citoyens des États membres de l’Union européenne ont été consultés par référendum lorsqu’il s’est agi d’adopter une monnaie unique et neutre, excluant tout avantage à un pays sur les autres. Or, alors que la question de communication linguistique est autrement plus lourde de conséquences économiques, sociales, politiques et culturelles, force est de constater que tout est fait pour qu’un pays ne soit ni gêné ni entravé dans la démarche par laquelle il vise à contraindre, à son profit, tous les citoyens de l’Union européennes à parler sa langue.

Il y a moins de vingt ans, certains proclamaient encore haut et fort qu’il n’y aurait jamais de langue unique en Europe. Or, actuellement, avec la complicité du président de la Commission européenne, Romano Prodi, de technocrates et de politiciens serviles, l’anglais s’incruste insidieusement dans tous les rouages de ce qui, à l’encontre des désirs des peuples concernés, est en train de devenir un "machin" européen téléguidé depuis les États-Unis. Il ne faut jamais oublier non plus les écrits de David Rothkopf qui, de par ses fonctions élevées de conseil dans les sphères de décisions étasuniennes, traduit bien les visées de celles-ci, à savoir que tout ce à quoi il donne le nom d’"Américains" doit "se sentir à l’aise" toujours et partout, y compris dans toutes les normes qui seront adoptées, et à commencer par la norme linguistique : l’anglais.

Réveil tardif

C’est seulement maintenant, alors que le patrimoine linguistique, culturel et même mental de l’humanité a déjà été largement pollué, altéré et endommagé par un mercantilisme débridé, qu’apparaissent des signes forts de prise de conscience et de mise en garde à travers des articles de presse et des ouvrages, notamment de Denise Bombardier, Claude Hagège, Claude Duneton, Charles Durand, Robert Philippson, Alastair Pennycook, Claude Piron, Georges Kersaudy, etc., dont le point commun à tous est d’avoir un niveau nettement plus élevé que la moyenne en anglais.

Certains osent enfin avertir publiquement que, contrairement à ce qu’était le latin, l’anglais n’est pas une langue neutre. C’est bel et bien le moyen par lequel, de manière insoupçonnable, ceux qui veulent inculquer aux peuples leur façon de voir le monde peuvent parvenir à leurs fins. L’anglais mène à un état de dépendance. Voici quelques décennies, la question "Quelle terre laisserons-nous à nos enfants ?" avait déjà été posée par rapport à l’environnement. Cette question s’étend aujourd’hui à l’univers mental. Il est clair que les directives décidées en cachette dans le cadre de l’"Anglo-American Conference Report 1961" visaient déjà à modifier les structures mentales, à déstabiliser, aliéner et subjuguer ainsi le reste du monde. Les partis politiques, les organisations syndicales, de consommateurs, d’enseignants, de parents d’élèves et même de défense des Droits de l’Homme n’ont pas brillé par la vigilance et la clairvoyance.

Même chose au sein d’organisations comme ATTAC, alors que, pourtant, dès février 1993, Bernard Cassen avait lui-même écrit dans "Le Monde Diplomatique" : "La question linguistique ne fait pas l’objet de grands débats dans les instances communautaires, et pourtant elle constitue sans doute l’une des bombes à retardement les plus dangereuses pour la construction européenne. Car ce qui était valable à six, à neuf, voire à douze, devient un véritable casse-tête au-delà." Or, dix ans après, même au sein de l’ATTAC, dont Bernard Cassen a été président, aucun débat en profondeur n’a pu avoir lieu sur cette même question, alors que le nombre de langues en présence est incomparablement plus élevé.

"Libération" lève enfin le tabou dans un article publié le 25 novembre 2002 sous le titre : "La fracture linguistique". Il apparaît que des syndicats et des consultants osent (enfin !) dénoncer les effets pervers du tout-anglais. Le journaliste, David Garcia, souligne qu’il s’agit d’un "phénomène largement minimisé par les DRH [Directions des Ressources Humaines], prompts à présenter la formation comme le remède miracle aux carences linguistiques des uns et des autres." La compétence linguistique en anglais finit par avoir plus de poids dans le recrutement que les qualités professionnelles. Le piège du tout-anglais se referme, et rares sont encore ceux qui s’en rendent compte.

Un formidable tonus !

Qualifié de "Langue de sionistes et de cosmopolites" sous Staline, de "Langue de juifs et de communistes" sous Hitler, l’espéranto a été l’objet d’une multitude de qualificatifs qui visaient à susciter un réflexe de répulsion et de mépris à son égard, à détourner l’attention de la solution qu’il proposait à des problèmes eux-mêmes passés sous silence. C’est finalement une superbe référence que d’avoir été ainsi traité par ce que l’humanité a connu de plus vil.
Des quantités phénoménales de propos injurieux, calomnieux, diffamatoires ou dévalorisants ont été déversées sur lui et ses usagers. La proposition, en 1993, au directeur des éditions Grasset, Yves Berger, du manuscrit du livre qui allait paraître en 1995 sous le titre "L’homme qui a défié Babel" [1], m’avait valu cet écrit du coeur : "Fossoyeurs de la langue française, je vous hais." Même Lionel Jospin y était allé de son coup de pied de l’âne en 1998, lors d’un voyage à Hong Kong, lorsque, à la face de la Chine et du monde, il avait tenté de faire croire que l’espéranto était une affaire du passé. Chacun peut juger aujourd’hui lequel des deux, de lui et de l’espéranto, appartient au passé.

La vitalité et la vigueur de cette langue sont largement démontrées depuis plus de 115 ans, puisqu’elle a toujours fini par surmonter les obstacles de la censure, des persécutions, des autodafés, des chicanes administratives, des tabous, de la désinformation, de la diffamation, de la dérision, et ceci sans bénéficier d’appuis médiatiques ou publicitaires, sans disposer des possibilités d’enseignement comparables à celles dont bénéficient d’autres langues : inscription aux programmes d’enseignement et aux examens, salles de cours, enseignants rémunérés, moyens audio-visuels, etc.

L’espéranto ne fera certes pas de nous des milliardaires, mais il offre une tout autre richesse à des milliards d’humains : l’accès à ce "logiciel" de communication linguistique équitable que le patron de Nissan n’a encore ni testé ni comparé avec celui dont il dispose.