État de santé des langues

Publié le mercredi 22 février 2006

A l’origine de l’aventure la plus curieuse de l’histoire des langues — l’espéranto —, il y a Ludwik Lejzer Zamenhof (1859-1917), un docteur en médecine qui s’est par la suite spécialisé en ophtalmologie.

Dès l’âge de dix ans, bien avant de commencer ses études de médecine, Zamenhof avait déjà une forte attirance pour les langues. Il avait décidé de se consacrer à la recherche d’une solution équitable aux problèmes de communication linguistique. Il n’a jamais renié son rêve d’enfant et d’adolescent. Né de son rêve, l’espéranto est parvenu à s’enraciner à partir de 1887, d’abord en Russie malgré la première interdiction de son histoire en 1895, puis en Suède, en Allemagne, en France, en Europe et enfin à travers le monde, à tel point qu’aucun des pires régimes du XXème siècle n’est parvenu l’éradiquer.

Comme l’écrivait dès 1912 le premier historien de cette langue, Adam Zakriewski (Z. Adam) : “Maintenant, le soleil ne se couche jamais en Espérantie” (= au pays de l’espéranto).

C’est à un médecin, Pierre Corret (Paris, 1881-1936), que l’on doit la première thèse de doctorat concernant l’espéranto et la médecine : “Utilité et possibilité d’une langue internationale auxiliaire en médecine”. Comme bien des pionniers de l’espéranto de cette époque, contemporains de Jules Verne, il s’intéressa aussi aux progrès scientifiques et techniques. Il fut très actif dans le domaine de la radiophonie.

Dans cette thèse, Pierre Corret avait cité Louis Lépine : “Parmi les langues artificielles susceptibles de devenir l’idiome scientifique, l’espéranto, dans ces dernières années, a obtenu le premier rang ; et, selon moi, cette langue sera extrêmement utile comme langue internationale d’affaires. Il n’est cependant pas démontré, à mes yeux, qu’une langue scientifique internationale doive être nécessairement artificielle. Le français, à cet égard, aurait bien des avantages.
Il n’était pas venu à l’esprit de Lépine que bien des locuteurs d’autres langues étaient du même avis... pour la leur.

Bien plus lucide fut le professeur Théophile Cart, cité dans cette même thèse, qui avait écrit, dans un rapport adressé en 1907 au ministre de l’instruction publique : “Il n’est pas exact de dire que le français est encore la langue de la diplomatie. Les langues rivales ont maintenant leur place à côté de lui, jusqu’au jour où, grâce à l’accroissement supérieur des populations qui les parlent, elles l’écarteront presque complètement.”

Professeur au lycée Henri IV et à l’École des sciences politiques, Cart citait aussi Louis Fauvart-Bastoul (1877-1914) qui avait été le tout premier à obtenir un doctorat (de Droit) par une thèse intitulée “D’une langue auxiliaire au point de vue du droit des gens” (Dijon, 1902) : “Rappelons à cette occasion ce fait peu connu : le Foreign Office de Londres a abandonné l’usage du français et ne se sert plus, dans ses rapports avec plusieurs puissances, que de l’anglais. Ces dernières, en présence du sans-gêne britannique, lui répondent dans leur langue natale. C’est ainsi, par exemple, que l’ambassade italienne à Londres, depuis 1882, se sert exclusivement, dans ses relations avec le Foreign Office, de l’italien. (...) Grâce au concours que lui prêtent les États-Unis, l’anglais est en train de remplacer le français dans les relations diplomatiques à l’Extrême-Orient. Le dernier traité de commerce conclu entre le Mexique et la Chine, est rédigé en anglais, et cependant le Mexique compte parmi les pays les plus fidèles au culte de notre patrie.

La politique linguistique à courte vue des gouvernements, dont l’un, de la France, s’acharna contre l’espéranto à la SDN de 1921 à 1923, sans parler de l’interdiction, durant la même période, d’utiliser les locaux scolaires pour l’enseigner, a permis à une langue nationale de se faire passer pour une langue internationale. Personne n’a remarqué la mystification. Dans les congrès et les assemblées, il est connu que ceux qui interviennent le plus souvent et le plus longtemps, le plus adroitement aussi, sont les natifs de la langue dominante du moment, ce qui nous ramène à une situation exposée dans le rapport Grin : “la position dominante des anglophones dans toute situation de négociation, de concurrence ou de conflit se déroulant en anglais.


l La formation d’une infirmière exige 1200 heures. Une formation à l’anglais à un niveau équivalent à celui du bac en exige 1500. 150 heures suffisent pour atteindre le même niveau en espéranto. L’addition d’une formation d’infirmière à celle d’espéranto laisse du temps disponible pour faire ce qu’il lui plaît à une infirmière : travailler, étudier, s’occuper de sa famille, se détendre, se distraire...

C’est à l’occasion du premier congrès mondial de physiothérapie, qui se tint, à Liège en 1905, aussitôt après le congrès universel d’espéranto de Boulogne-sur-Mer, que cette langue fut admise pour la première fois à titre de langue officielle de congrès (hormis ceux de Langue Internationale), avec d’autres langues. Le professeur suédois Svän Krikortz y participa et fit une communication bien accueillie en espéranto.

Le 4ème congrès espérantiste européen de Médecine se tiendra du 22 au 26 juillet 2006 à Hodmezovasarhely (Hongrie). Information et bulletin d’inscription : S-ino Katarina Farago, HU-6801 Hodmezovasarhely, Pf. 89. Hungario, Courriel : <farago.kata*espmed.hu> ou <4a.emek*espmed.hu>