Halloween ou Halle aux Ouine ?

Publié le lundo 16a oktobro 2000 par admin_sat , mis a jour le dimanĉo 8a aŭgusto 2004

Le souvenir du titre d’un roman de Georges Bernanos, « Monsieur Ouine » , m’a amené à penser que ce nom et le thème se prêtent à merveille pour créer l’homonyme du ridicule. L’idée m’est venue d’en chercher la présentation sur le site web http://bol/ : « Dans ce roman puissant et original, le dernier écrit par Bernanos, le personnage central, Monsieur Ouine, apparaît comme une véritable figure du mal. « Une manière de prêtre de Satan », selon l’expression d’Albert Béguin, évoluant dans un monde déserté par la grâce divine, où les hommes n’offrent plus que le masque caricatural de la peur. »

Il se trouve des gens pour avaler n’importe quoi. Certains affairistes étasuniens ont fait leur profit en abrutissant les Indiens d’Amérique avec l’« eau de feu » , d’autres les Chinois avec l’opium. D’autres encore ont gravé la tabagie comme quelque chose de valorisant (cow boy, explorateur, battant-e, etc) dans le subconscient d’une grande partie d’une jeunesse qui ne se doute pas que le prix du paquet de cigarettes n’est qu’une avance sur une facture autrement plus perfide et douloureuse qui se présentera sans avertir.

Et voilà maintenant que l’attention des enfants est détournée de questions qui concernent leur avenir au moment où tant de leurs camarades sont jetés dans la tourmente par des catastrophes d’origine naturelle ou humaine, par la guerre, la famine, la misère.

La peur, l’angoisse, l’horreur, les mauvais traitements, la faim, la douleur physique et morale, les cris de désespoir, les râles d’agonisants, les odeurs pestilentielles de cadavres en décomposition, ils ont tout cela avec l’incertitude totale sur l’instant qui suivra. Eux, ils sont aux premières loges, et ce n’est pas l’affaire d’une seule journée. Ils ne rêvent pas des masques de la peur et de la laideur que, par cupidité d’une part, par stupidité, snobisme, suivisme et superficialité de l’autre, notre monde repu, prétendument civilisé, exhibe dans une recherche de sensations morbides, de frissons aseptisés.

Aussi, je regrette que certains médias et commentateurs aient accordé tant d’attention à cette sinistre pitrerie et si peu, par exemple, au « Manifeste de la Jeunesse pour le XXIe siècle » dans lequel 350 jeunes de 175 pays, à Paris, sous l’égide de l’Assemblée nationale et de l’UNESCO, dans le cadre du Parlement Mondial de la Jeunesse, ont formulé des idées en faveur desquelles ils veulent agir sans attendre d’être adultes sur les thèmes de la paix et de la non-violence, de l’éducation, de l’environnement, du développement économique et du développement humain, de la solidarité, de la culture, la communication et le dialogue interculturel.

Il y a de la place et du temps d’antenne pour l’ignoble et bien peu pour ce qui est noble, constructif et vivifiant, comme par exemple l’espéranto qui offre une ouverture sur le monde et un antidote à cet alignement. Et ceci pendant que, par désespoir, tant de jeunes se tournent vers la drogue, les sectes, la violence ou le suicide ; pendant que, loin de tout confort, des journalistes qui veulent éclairer leurs semblables sont menacés, emprisonnés, torturés ou assassinés dans des pays où la peur — la vraie — fait partie du quotidien ; pendant que des femmes, sous des régimes qui se réclament d’un dieu auquel ils donnent le visage de l’odieux, sont traitées comme l’ont été les Juifs par les nazis, ou les Kosovars par la soldatesque et les milices serbes.

Alors, il faut le dire à haute voix et se tenir prêts pour l’an prochain* : Halloween, c’est la Halle aux Ouine, la Grande Foire à l’imbécillité, la Fête de la Honte.

Ah, que Paco Rabane n’ait prédit que la connerie franchira allégrement le cap de l’an 2000 plutôt que d’annoncer une catastrophe lors de l’éclipse de soleil !

Il aurait été dans le vrai et il aurait (presque !) mérité notre admiration, même pour quelque chose qui n’avait rien de prophétique !

Mais peut-être tient-il encore à nous à ce que la Halle aux Ouine n’atteigne pas le troisième millénaire !