L’esprit de Porto Alegre

Publié le vendredi 14 juin 2002 par admin_sat , mis a jour le dimanche 8 août 2004

Au pays des gauchos

Dans les pampas d’Amérique du Sud, Porto Alegre est la capitale de l’état brésilien de Rio Grande do Sul, le pays des gauchos.

La ville a été désignée par l’Onu parmi les 40 meilleures pour ses pratiques de gestion publique urbaine et comme exemple réussi d’action commune entre gouvernement et société civile. Porto Alegre voit arriver chaque année de nombreux représentants et chercheurs de différents pays qui souhaitent mieux comprendre l’expérience de cette ville où la population (1 300 000 habitants) a réellement son mot à dire, où l’on parle plutôt de développement durable et d’inclusion sociale plutôt que d’exclusion. Des forums internationaux y ont été organisés, l’un sur l’éducation, l’autre sur le social.

L’espéranto à Porto Alegre

Dans "Gaùcha Stelo" [1] de juin 2001, bulletin de l’Association Gaucho d’Espéranto, Alberto Flores écrivait dans cette langue : "Je pense que nous avons le droit d’être joyeux, de nous amuser, mais nous n’avons pas le droit d’espérer qu’une société d’espéranto est le lieu de clowneries ou autres banalités guère sérieuses. Heureusement, malgré les difficultés, les vrais espérantistes ne cesseront jamais de travailler pour l’espéranto. Le sentiment fraternel, qui est l’âme de l’espéranto, ne disparaîtra jamais, ne mourra jamais. Il renaît toujours et brille à nouveau, comme le soleil, où que soit un coeur espérantiste. Et par le dévouement, l’altruisme, l’espoir, la confiance et le travail d’idéalistes fidèles, les clubs d’espéranto reprennent vigueur, ou un nouveau groupe apparaît et recommence l’action pour construire un pont d’amitié entre les hommes de langues et de pays différents.
Pourquoi ? Parce que l’espéranto est un idéal admirable et noble. Il mérite qu’on lui consacre un peu de notre temps et de notre travail. L’espéranto a déjà vaincu de nombreuses difficultés et il continuera de vaincre toutes les autres barrières. Malgré que quelques hommes ne comprennent pas bien son utilité et sa contribution pour la paix mondiale et la culture, l’espéranto va de l’avant et progresse sur toutes les parties de la terre."

Veut-on embellir la vie ?...

Délinquance et violence n’ont plus de frontières. Le triomphe du culte de l’argent dans presque toutes les sociétés fait courir un danger sans précédent à toute l’humanité. La publicité s’introduit même dans les écoles aux États-Unis [2]. Le fric devient le seul repère. Il y a là une source intarissable de malheurs : tout s’achète et se vend, y compris l’homicide pour lequel s’applique aussi la loi de l’offre et de la demande.

Si tous ceux qui ont une autorité morale ne s’efforcent pas de dégager une éthique commune dans laquelle se reconnaîtront les croyants comme les non croyants, rien ne pourra arrêter quelque chose d’effroyable, de comparable à l’échelle mondiale à ce qui s’est passé au Cambodge, au Rwanda, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo, etc..

Il est urgent d’aider les peuples à mieux se comprendre et se connaître pour opposer un front commun contre tout ce qui est inhumain et dégradant à quelque niveau que ce soit. La répression n’attaque en rien le mal à sa racine, elle masque surtout les symptômes sans anéantir leurs causes.

"Petite" ou juvénile, la délinquance des "zones sensibles" n’est que le pendant d’une autre qui, sous diverses formes, partout dans le monde, sévit jusque dans les organes du pouvoir : la délinquance "en col blanc", voire la délinquance sénile de gens dont la vie a été marquée par l’obsession irréversible d’accumuler de l’argent, par la course à une vaine gloire ou même au pouvoir. L’exemple est donné au plus haut niveau et en toute impunité, y compris au sein d’une puissance mondiale qui veut imposer partout son modèle de société, sa manière de voir le monde et même sa langue pour modifier les structures mentales à son profit. Professeur de linguistique, Henriette Walter, qui a acquis une grande renommée pour ses recherches, a très justement fait remarquer qu’"une langue, c’est une façon de voir le monde". Cette société, c’est celle qui exclut l’oeuvre humaniste et exemplaire du Dr Zamenhof des programmes d’enseignement.

Pour embellir la ville...

Sans effort réciproque des particuliers et des collectivités pour embellir la ville et l’habitat, c’est tout le cadre de vie qui se dégrade. Sa qualité dépend de chacun. Quand ce n’est pas beau dans les têtes, ce n’est pas beau dans la ville, ce n’est pas beau dans le pays, et inversement.

Globalement, l’homme sera toujours perdant dans le jeu de surenchère qui se met en place, et la femme encore plus. Ce ne sera toujours qu’un faible pourcentage qui s’en tirera. Or, qui accentue cette situation ?
Qui a intérêt à entretenir cette mystification, à maintenir des tabous, à ce que la "babélite" ne soit jamais éradiquée ? Qui manipule l’information et conditionne les esprits à croire qu’il n’existe pas d’alternative à ces problèmes sans frontières ?
"Le Monde"... du Silence

"Le Monde", qui s’autoproclame journal de référence, s’est mis au temps de New York : il n’a rien trouvé de mieux que de publier des pages puisées dans le "New York Times", telles quelles, sans traduction.
Que ce quotidien ait traité les forums de Porto Alegre avec désinvolture, comme il l’a fait en d’autres occasions pour l’espéranto, alors que les problèmes traités concernent la plus grande partie de l’humanité, montre la dérive du quotidien "Le Monde" fondé en 1944 par un journaliste intègre et scrupuleux — Hubert Beuve-Méry — à la place du quotidien "Le Temps", celui-ci "ayant été trop lié avec les puissances de l’argent" de la IIIe République. Jean-Marie Colombani, son directeur, va tout à fait dans la direction voulue par ceux qui mènent les États-Unis et pour qui toute carpette est bienvenue : "Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais." écrivait David Rothkopfs dans "Praise of Cultural Imperialism" (Louange de l’impérialisme culturel, 1997).

L’intérêt général du monde est ailleurs
Le problème dépasse de très loin la défense de la langue française, c’est le droit d’expression qui est en jeu, dans le monde entier.

Henri Masson