Vu d’Ukraine

Publié le vendredi 31 août 2007

Artificiel et d’une haute valeur, l’espéranto

De toutes les langues artificielles, il est celle qui a le plus réussi et prospéré. Ceux qui pensent que l’espéranto appartient au passé font erreur. Il évolue continuellement et, grâce à l’Internet, sa communauté s’accroît et rajeunit. Le philologue hellénique Alexarkhos [Alexarque] et le médecin romain Galienus (Galien) ont pensé à la création d’une langue artificielle. Au Moyen-Âge, de nombreux savants ont cherché la “langue rationnelle” qui aurait dû devenir l’instrument idéal de la pensée. Newton, Leibniz, Francis Bacon et Descartes s’en sont occupé. Cependant, aucune de ces langues n’a été réalisée : jusqu’au début du 19ème siècle, les relations internationales ont progressé assez lentement. Cependant, avec l’écoulement du temps, la situation a changé : la quantité de littérature en langues nationales s’est énormément accrue pendant que les relations internationales sont devenues plus intenses. Dans ces conditions, le problème linguistique est devenu actuel pour beaucoup.

L’invention d’un enfant

Le 26 juillet 1887, à Varsovie, parut une petite brochure de 40 pages intitulée “Langue Internationale — Préface et manuel complet”. Le petit livre était signé sous le pseudonyme "Doktoro Esperanto" (Docteur Esperanto) ce mot signifiant, dans la nouvelle langue, “celui qui espère”. Il devint bientôt le nom de la langue. L’auteur de la brochure était un médecin de 26 ans, Lazare Zamenhof. Il avait déjà pensé à son projet depuis son enfance, et, avant la publication, il avait beaucoup travaillé dessus, en essayant la langue dans la pratique et en l’améliorant : outre le russe, il maîtrisait parfaitement le polonais, l’allemand, le français et le yiddish ; il maîtrisait bien, en outre, l’hébreu, les bases des langues latine, grecque et lituanienne. Dans son projet, il réussit à réaliser des solutions très adroites. Par ailleurs, dès le début, Zamenhof regarda sa langue non point comme une “langue des commerçants”, mais comme l’instrument qui pourrait unir les hommes des diverses nations, comme un instrument spirituel de rapprochement des peuples. Ceci joua un rôle important durant les premiers temps de l’évolution de la langue. Grâce aux enthousiastes, la langue se répandit d’abord en Russie, et ensuite sur les autres continents aussi. Parurent des journaux, des oeuvres traduites et originales. En 1905, en France, se tint le premier congrès universel et, dans les années 20-30 l’espéranto devint un phénomène social considérable. Une correspondance très active en espéranto fut organisée entre des travailleurs d’URSS et de pays européens ; des officiers de l’Armée Rouge et des États-Unis l’étudiaient comme la langue d’un éventuel ennemi. Malheureusement, au début, les régimes totalitaires d’Allemagne et d’URSS, et ensuite la Seconde Guerre mondiale, eurent un effet néfaste sur la diffusion de l’espéranto. Des centaines de militants et des milliers d’adeptes ordinaires furent physiquement éliminés. Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement pour l’espéranto renaquit. Les conférences générales de l’Unesco ont a trois reprises accepté des résolutions favorables à propos de l’espéranto, et la plus grande organisation (UEA) a des relations officielles depuis de nombreuses années avec l’Onu et l’Unesco.

Simple ne signifie pas pauvre

Presque tous les éléments de l’espéranto ne sont pas inventés mais puisés dans les principales langues européennes, la grammaire est considérablement simplifiée — le système de formation des mots permet de créer facilement des mots nouveaux sur la base de ceux qui ont déjà été appris. Ceci fait de l’espéranto une langue relativement facile à apprendre. En espéranto, l’écriture est phonétique (chaque lettre est toujours lue de la même façon) et l’accent est fixe (toujours sur l’avant-dernière syllabe). Tous les mots du même élément du discours sont toujours conjugués et déclinés de la même façon ; tout substantif se termine par -o, tout adjectif par -a, alors que les verbes n’ont que 6 terminaisons ! La simplicité de la grammaire est en même temps la source de la richesse de l’espéranto, n’importe quel mot peut prendre n’importe quelle forme grammaticale, ce qui est souvent impossible dans les langues nationales. Les mots de l’espéranto sont puisés dans les langues européennes avec un minimum de changements. De nombreux mots dits “internationaux” d’origine latine et grecque sont à première vue reconnaissables : telegrafo, telefono, viruso, matematiko, kontinento, ambulatorio, elektrono, centro, etc.. L’espéranto a, en tout, environ 40 suffixes et préfixes. Si on les connaît tous, on peut en moyenne créer de 5 à 10 mots indépendants (sans compter les formes grammaticales), et, à partir de quelques racines, même jusqu’à 50 ! Donc, pour exprimer en espéranto la pensée aussi compliquée qu’elle soit, on a besoin de fixer en mémoire dix fois moins de mots que ce dont on a besoin durant l’étude d’une langue nationale.

Les crocodiles de l’espéranto

L’espéranto, comme toute autre langue, est unique. Voici quelques unes de ses particularités. En espéranto, l’ordre des mots est libre. On peut dire la phrase “Mi amas vin”" (je vous aime) de six façons, en changeant l’ordre des mots. Le mot "amo" (amour) rime en espéranto avec plus de 50 mots alors que, en russe, seulement avec quelques uns. La rime la plus fréquente, et même exagérément utilisée, est le couple "amo-flamo" (amour - flamme). L’”espérantisme” le plus populaire parmi les espérantistes est le mot “krokodilo” et le verbe correspondant "krokodili" — parler en langue nationale entre espérantistes — ce qui, en raison de considérations compréhensibles, est regardé comme n’étant pas de bon ton. Les espérantistes nomment “Krokodiloj” (crocodiles) ceux qui brisent cette règle.

Le nouveau monde

De nombreuses expériences ont prouvé que la possession de l’espéranto facilite considérablement l’étude de n’importe quelles autres langues étrangères. Certains utilisent l’espéranto pour trouver des contacts internationaux. Les autres, grâce à l’espéranto, se trouvent des ami(e)s de coeur, parfois dans un pays très lointain. Ces couples inhabituels, tels que Suédois-Serbe [le français oblige à préciser “femme” pour “Serbe”], ou Allemand-Japonaise est une chose habituelle pour le milieu de l’espéranto. Pour beaucoup, l’espéranto n’est qu’une gymnastique ordinaire pour le cerveau, pour d’autres, une langue secrète. Il existe aussi ceux que la culture de l’espéranto attire en premier lieu. Dans la communauté de l’espéranto, il y a ses “étoiles”, ses potins, ses susceptibilités, et même ses propres tabous — en un mot, ayant appris l’espéranto, l’homme se découvre quelque chose comme un monde parallèle plein de vie et d’événements.