Poutine veut "rééduquer" la jeunesse russe

Publié le lundi 23 août 2004 par admin_sat

Pour qu’on ne mette plus des orphelins au monde,
Pour que, toujours, les hommes mangent à leur faim
Pour que les innocents n’aillent pas en prison,
Pour que plus jamais un coup de feu ne résonne
Eugène Evtouchenko (1933 - )
"Le poète de la déstalinisation" dans un long poème intitulé "Niouchka"
"De la cité du Oui à la cité du Non"
(Ed. Grasset, Paris, 1970)

Article original publié dans le journal russe "Obchtchaïa Gazeta" (13 juin 2001), puis en traduction française dans l’hebdomadaire "Courrier International" (21 juin 2001). Extraits :
L’anticonformisme devient dangereux. Les organisations de jeunesse de la nouvelle Russie "poutinienne" sont en effet la proie des services secrets.

MOSCOU. Il semblait que les procès politiques appartenaient à un passé soviétique révolu. Mais les temps changent très vite. Pendant que les autorités s’activent pour lancer de nouvelles organisations de jeunesse (favorables à Poutine) — comme Marchons ensemble ou Jeune Unité —, dans l’esprit des Jeunesses communistes d’autrefois [voir CI n° 551, du 23 mai 2001], les forces policières montrent qu’elles n’ont pas l’intention de rester les bras croisés face aux activités des groupes "informels".

A l’époque de Boris Eltsine, il y avait déjà eu des procès intentés à des extrémistes (gauchistes ou anarchistes) qui étaient accusés de vandalisme ou bien d’appeler à renverser le pouvoir. Cela se terminait généralement par un non lieu ou par une peine de prison avec sursis. Mais, depuis un an, la situation a radicalement changé.

Née avec la perestroïka (1985), l’organisation de jeunesse Portos [acronyme russe d’Union poétisée pour l’élaboration d’une théorie du bonheur universel] menant une existence paisible en Russie et en Ukraine. Avec leur idéologie romantique rappelant le socialisme utopique français, les membres de Portos faisaient paraître un journal baptisé Théorie du bonheur pour la défense de la société. Ils aidaient les handicapés et les anciens combattants. Ils avaient reçu, entre autres récompenses, celles de meilleurs bénévoles de la capitale. Ils gagnaient leur vie en travaillant dans des communes agricoles, dont une fondée début 2000 près de Moscou. Des jeunes de diverse coins de Russie et des Républiques voisines y venaient. Après le travail, ils montaient des spectacles, faisaient du sport, de l’informatique, de la poésie, de l’espéranto.
A la fin de l’été 2000, les services secrets ont commencé à s’intéresser à ce "kibboutz", mais le FSB (ex-KGB) et la police n’ont rien pu lui reprocher d’illégal. C’est probablement à ce moment-là qu’un informateur y a été infiltré. Les policiers cherchaient cherchaient une occasion d’employer la force. Elle s’est présentée en décembre. Les dirigeants de la commune venaient venaient de punir deux pensionnaires de 16 ans qui avaient bu de la vodka et fumé, ce que les statuts de l’organisation qualifient de "grave péché". Ils avaient été condamnés à quitter la ferme ou à choisir une punition. Ils ont choisi d’être fouettés. Le lendemain, 30 policiers ont donné l’assaut et appréhendé tous ceux qui leur tombaient sous la main, soit une quarantaine de personnes, pour "mauvais traitement à mineurs". Sous prétexte de perquisitionner, ils ont en outre dévasté les installations. Par la suite, d’autres fermes de Portos ont été endommagées, pillées ou incendiées.

Quatre membres de cette organisation, dont deux filles, sont actuellement derrière les barreaux, et une dizaine d’autres sont recherchés. A voir les accusations qui pèsent sur eux ("constitution de bande armée illégale", "enlèvement"), et les peines encourues (jusqu’à vingt ans de prison), on pourrait croire qu’il s’agit de racketteurs. Après ses interrogatoires, l’une des accusées était dans un tel état qu’il a fallu appeler une ambulance. Elle a expliqué à son avocat qu’on lui avait mis un casque sur la tête et qu’on avait frappé dessus avec une matraque.

L’ex-président Mikhaïl Gorbatchev avec les membres de PORTOS incarcérés
La eks-prezidento Mihhail Gorbachov kun la arestitaj PORTOS-anoj